Voici une copie d'un article paru dans le journal La Gruyère du 4 avril 2006.
FRIBOURG Sapeurs-pompiers
Pénurie de candidats en vue
Avec la réforme Frifire 2010, la sélection des sapeurs-pompiers sera
désormais plus sévère. Parmi les nouveaux critères: travailler dans le
périmètre du cercle de feu, avoir un employeur indulgent et multiplier les
interventions. Une situation qui risque de provoquer une pénurie de candidats
et qui fait dire à certains que les pompiers pourraient être en voie
d’extinction… La généralisation du service de piquet et le port obligatoire de la protection
respiratoire vont sans doute décourager un certain nombre de candidats.
Dévoilé lors de l’assemblée de la Fédération fribourgeoise des sapeurs-pompiers à
Châtonnaye fin mars (La Gruyère du 21 mars), le projet Frifire 2010 ambitionne de
«régionaliser la défense incendie et de concentrer les moyens d’interventions». En
clair: une diminution des effectifs de près de moitié est visée. En échange, la
formation et le matériel des pompiers seront améliorés. Mais cette «rationalisation
nécessaire», selon la formule de Pierre Ecoffey directeur de l’Etablissement
cantonal d’assurance des bâtiments (ECAB), risque aussi de provoquer une pénurie
de candidats.
«Pour assurer des interventions dans les dix minutes suivant l’alarme, le pompier du
futur devra im-pérativement travailler près de sa commune», note Jacques
Grandjean, président de la commission technique du district de la Gruyère. Un
district qui devrait passer de 22 corps de pompiers en 2006 à huit, voire dix régions
à l’horizon 2010 (lire ci-dessous).
Intervenir le plus rapidement est la règle de base. Une règle pas toujours suivie
aujourd’hui? «Non, mais il y a eu un cas dans un autre district où, après vingt
minutes, il n’y avait qu’un seul pompier sur place. Ce genre de situation ne sera plus
possible à l’avenir», répond Jacques Grandjean. Avec un marché du travail sous
tension et l’amélioration de la mobilité, la chasse aux candidats risque d’être difficile.
Dédommager les patrons
Une situation que résume bien le directeur de l’ECAB: «Les pompiers du futur seront
des sédentaires. Et ils seront logiquement mis à contribution plus souvent.» Avant
de voir le bon côté des choses: «Cela augmentera également leur expérience.»
En plus de cette sédentarisation, des efforts seront demandés aux employeurs.
Cette bonne volonté patronale ne va pas de soi, relève Jean-Jacques Marti, vicedirecteur
de l’Union patronale du canton de Fribourg: «Nous encourageons déjà nos
7500 membres à engager plus de personnes handicapées, plus de jeunes ou plus
de premiers emplois. Nous n’allons pas encore leur demander d’engager des
personnes qui seront souvent absentes.» Selon Jean-Jacques Marti, la charge pour
l’employeur est bien réelle: «Notre concierge est sapeur-pompier, je sais bien de
quoi je parle.»
Pas question donc de prendre position en faveur d’une flexibilité des patrons? «Non.
A l’inverse, pourquoi ne prévoit-on pas un dédommagement pour ceux qui le font»,
rebondit Jean-Jacques Marti. Car, au contraire du service militaire ou de la
Protection civile qui prévoient des indemnités APG (assurance pour pertes de gains)
pour les employeurs, un engagement au service du feu représente une perte réelle.
Professionnalisation
Du côté de l’ECAB, l’idée paraît sensée: «Bien sûr qu’un dédommagement des
patrons nous faciliterait la tâche, mais qui paiera?», demande Pierre Ecoffey qui
s’empresse de rappeler que l’ECAB débourse déjà plus d’un million de francs pour
la formation et l’équipement. Si l’idée de dédommager les PME pourrait faciliter la
tâche des commandants du feu en manque de candidats, la mesure rompt avec
l’objectif principal de Frifire 2010, soit une réduction des coûts d’au moins 20%…
L’indemnisation des sapeurs-pompiers est également au centre des discussions.
Pierre Ecoffey a d’ailleurs annoncé à Châtonnaye que les commandants des centres
de renforts seront partiellement professionnalisés. Et faudra-t-il augmenter les
indemnités des soldats du feu? Aujourd’hui, un sapeur-pompier touche une
indemnité de 150 francs par jour de formation.
Si personne ne le précise actuellement, pour Jacques Grandjean la question est
pourtant légitime: «Un pompier qui quitte son lieu de travail doit en général
récupérer ses heures à un autre moment.» Et, avec la conjoncture économique,
cette règle vaut de plus en plus pour les samedis, jour généralement réservé à la
formation.
Piquet généralisé
Selon Pierre Ecoffey, il y a «un côté Saint-Bernard indéniable dans l’engagement du
soldat du feu». Et l’augmentation de la solde? «Tout est possible, mais au frais de
qui?» La décision finale appartient aux communes.
A noter enfin que le projet Fri-fire 2010 prévoit également de généraliser le service
de piquet. Une condition qui risque de décourager plus d’un pompier. Le port
obligatoire de la protection respiratoire va aussi biffer quelques noms sur la liste des
candidats, raison de santé oblige.
Devant ce constat, Beat Renz, le secrétaire général de la Direction de la sécurité et
de la justice, préfère jouer la montre: «Je rappelle que ce projet en est à son
lancement. Les groupes de travail discuteront prochainement des mesures
concrètes à prendre. Aujourd’hui, rien n’est encore décidé.» Le projet de loi seraélaboré entre l’automne 2006 et juin 2007.
La réforme en chiffres
Avec 29 pompiers par 1000 habitants, Fribourg figure aujourd’hui parmi les cantons
les mieux dotés de Suisse en matière de protection du feu. Baptisée Frifire 2010, la
réforme des soldats du feu fribourgeois vise notamment à réduire ce taux à 15 par
1000 habitants. La vision sapeurs-pompiers 2010 prévoit un effectif allant de 15 à
17 hommes par 1000 habitants.
Il n’est pas prévu une réduction linéaire puisque certaines régions reculées
maintiendront toujours un taux plus élevé que les villes.
A titre d’exemple, le district de la Veveyse s’est fixé l’objectif de 20 par 1000
habitants, indique le président du district Pierre-Alain Thürler. Un objectif qui
implique le passage de huit corps de pompiers à quatre régions, soit une diminution
d’environ 150 pompiers.
En Gruyère, les coupes prévues sont semblables: de 22 corps aujourd’hui, lecontingent devra passer à huit, voire dix régions. Pour rappel, Frifire 2010 va
déboucher sur une nouvelle loi qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2009.
Marc Benninger
4 avril 2006