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[Livre] «La ville en feu: une catastrophe urbaine»

lun. 06 févr. 2006

Le feu, un accélérateur de la modernité

Interview · L'historien Fabien Pasquier a réalisé son mémoire de licence en histoire contemporaine sur l'incendie de Bulle de 1805. Novateur, son travail appréhende le feu urbain comme un événement social majeur.

Propos recueillis par Aurélie Lebreau

L'incendie qui a ravagé Bulle en avril 1805 est une fois encore à l'honneur. Après le livre qui a été consacré («La Liberté» du 12 novembre 05) à cet événement, le jeune historien fribourgeois Fabien Pasquier, donnera une conférence à ce sujet demain soir à Bulle. «La ville en feu: une catastrophe urbaine» décrypte les modifications à long terme que le sinistre a engendré pour le chef-lieu gruérien.

«La Liberté»: Beaucoup de choses ont déjà été dites sur l'incendie de Bulle de 1805. Quel est le caractère novateur de votre recherche?

Fabien Pasquier: - En fait, la problématique de la catastrophe urbaine en histoire est relativement récente, elle date d'une dizaine d'années seulement. Nous avons donc tout loisir de nous poser des questions sur la manière de traiter l'incendie dans l'histoire. Dans mon mémoire, j'ai décidé d'analyser les causes mais également les conséquences à long terme de cet événement. J'ai lié la destruction de Bulle à sa reconstruction. Il ne s'agit pas de dire que la ville a commencé à brûler à telle heure, détruisant tant de maisons. Il faut des analyses à plus long terme. J'ai donc essayé de donner un cadre méthodologique théorique préalable au désastre, cadre qui recense quelques questions fondamentales. Qui a reconstruit la ville? Y a-t-il eu des flux migratoires à la suite de cette catastrophe? La topographie sociale a-t-elle été modifiée?

Et qu'avez-vous remarqué?

La grande nouveauté, grâce à l'histoire comparative, c'est qu'on peut observer l'évolution des stratégies mises en place par l'homme, au fil des époques, pour se protéger du feu. Le feu urbain est un fléau récurrent durant l'Ancien Régime. Bulle brûle en 1805, moment charnière entre la fin de l'Ancien Régime et le début du XIXe siècle. Au moment où l'historiographie actuelle perçoit le changement entre le schéma de l'incendie vécu comme fatalité et celui du feu comme risque. Nous nous trouvons exactement entre le chaos et l'avènement d'une «civilisation du risque», une problématique développée par ailleurs en sociologie.

Dans votre travail, vous rapprochez le grand incendie urbain de la catastrophe naturelle...

Sans l'Homme, il n'y a pas de catastrophe. En fait, les pionniers de cette recherche attirent l'attention sur l'implication centrale de l'Homme dans les catastrophes urbaines et naturelles, non pas pour l'incriminer mais pour comprendre les modifications, avec le temps, des stratégies mises en oeuvre pour la réduction des risques.

Votre démarche vous a poussé à replacer l'incendie de Bulle dans un contexte national et européen...

Au niveau national, les incendies de La Chaux-de-Fonds (1794), Sion (1788), Romont (1853) ou Broc (1890) sont intéressants. Les documents publiés permettent de se renseigner sur l'arrivée des secours ou leur gestion. On peut aussi observer si la mémoire s'est propagée. Au niveau européen, des études ont été réalisées pour la Scandinavie, notamment sur l'incendie de Vaasa (1852) en Finlande. Ceux de Londres (1671) et Dresde (1685) sont typiques de l'Ancien Régime, avec des dégâts très importants. Soumis à la même grille de lecture, ces événements si éloignés permettent d'appréhender au mieux l'originalité éventuelle du cas bullois.

Vous affirmez que le feu possède une dimension utile, stimulante, lorsqu'il est géré par la société.

C'est clairement attesté pour certaines régions et époques. On a parfois laissé faire le feu pour faire table rase, c'est le cas dans l'Empire Ottoman du XIXe siècle. La dimension stimulante existe bel et bien.

Pour l'Europe, on voit que le feu agit comme un accélérateur de la modernité. Là, il n'y a pas ou peu de «tabula rasa», mais une modification interne des cités. I

«La ville en feu: une catastrophe urbaine». Conférence de Fabien Pasquier, le 1er février, 18 h 15, au Musée gruérien de Bulle.

Source : La Liberté

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